L’agence d’architecture clermontoise gérée par l’architecte Boris Bouchet engendre, depuis une quinzaine d’années, une architecture respectueuse de son environnement, à la fois sensible et innovante. Il s’agit d’une jeune agence pour qui l’architecture et l’urbanisme vont de pair.
Par Sipane Hoh
Boris Bouchet © Jacques Pouillet
Boris Bouchet Architectes est une agence pluridisciplinaire établie à Clermont-Ferrand et à Paris. Il s’agit avant tout d’une structure basée sur l’entrelacement des échelles. Ceci est dû aux études architecturales et urbaines que l’agence pratique depuis sa création. Soulignons que Boris Bouchet a été lauréat des Albums des Jeunes Architectes et Paysagistes en 2014 et au Palmarès des Jeunes Urbanistes la même année. Donc le territoire, ses secrets, ses problématiques, de ses plus petits détails jusqu’aux grandes échelles, intéressent l’architecte. Par ailleurs, Boris Bouchet est enseignant depuis 17 ans (dont 14 ans à l’Ecole d’Architecture de Clermont-Ferrand) et il enseigne dans le master EVAN (Entre Ville, Architecture et Nature) de la même Ecole. Il s’agit d’un domaine d’étude fondé par Didier Rebois, Chris Younes et Frédéric Bonnet. Celui-ci traite du rapport entre la ville et la nature, s’intéressant aux divers changements et mutations qui traversent les territoires mais aussi le métier d’architecte, le tout dans un esprit collaboratif, de partage et d’interactions. Nous l’avons compris, Boris Bouchet est un architecte engagé aussi bien dans sa région que dans la profession.
L’architecture de Boris Bouchet est avant tout une architecture ancrée dans son milieu. « Je suis né dans un milieu rural avec des matières et savoir-faire qui étaient là ». Les territoires de son enfance, Boris Bouchet les a observés, tâtés, étudiés avec la plus grande minutie pour y proposer, plus tard, une architecture adéquate capable de s’y insérer. En développant des stratégies équitables, en réinventant certaines situations, en proposant même de nouveaux matériaux, l’architecte réussit à changer certaines dispositions, bouleverser quelques préjugés et participer à l’amélioration de certains milieux. A l’heure où les préoccupations n’étaient pas aussi vivaces qu’elles le sont aujourd’hui concernant la durabilité en architecture, Boris Bouchet se retourne vers les matériaux organiques, naturels et biosourcés. Son premier projet ? Un bâtiment en pisé. S’en suivent d’autres en bois et en terre crue. Cependant, l’architecte constate que le pisé qu’il a utilisé pour la construction d’un équipement public, était cher pour la réalisation de logements. Il a ainsi commencé une belle aventure, après avoir rencontré un fabricant de briques. L’homme de l’art, avec quelques-uns de ses amis, ont proposé le façonnage de briques de grande taille, ainsi a vu le jour une brique avec des dimensions de 1,20 mètre, 0,40 mètre, 0,40 mètre. Plus rapide à fabriquer et à monter, elle sera économiquement moins chère et participera à la confection de plusieurs projets de logements.
La terre crue reste un axe de recherche important de l’agence. En effet, l’agence travaille sur la réalisation de trois projets où cette matière millénaire revient comme structure porteuse mais aussi, ce qui est parfois plus surprenant, en façade. L’architecte nous explique qu’il va isoler trois façades sur quatre et laisser la façade sud non isolée en terre crue. Cela peut aider surtout pour le confort d’été. Ainsi, en profitant de tous les échanges hygrométriques, l’architecte parvient à trouver un meilleur équilibre.
© Félix Roudier
© Ilulissa
Le moulin de la Bretèche à Champlan
Le projet de la réhabilitation du moulin de la Bretèche va au-delà d’une simple intervention d’architecture. Conscient du potentiel du site entier, Boris Bouchet a travaillé l’ensemble de la parcelle, censée devenir à terme l’équipement structurant d’un territoire élargi, dont l’enjeu est la mise en valeur des bords de l’Yvette. Tandis que la partie haute du site est occupée par une place publique, les divers équipements s’articulent autour de la figure reconstituée de la cour de ferme, aménagée en pierres. Dans ce projet complexe, l’architecte a veillé à se concentrer sur l’esprit historique qui a disparu à cause d’une multitude de transformations au cours des siècles. Selon Boris Bouchet : « il ne s’agit pas de reconstruire un musée de la vie rurale dans une vision passéiste, mais de révéler les traces des différentes époques et de remettre en scène le moulin comme l’objet principal du grand paysage des bords de l’Yvette. » C’est pour cette raison que l’homme de l’art a préservé l’ancien fournil en pierre. Il l’a aménagé pour en faire le cœur du projet en y installant la salle polyvalente de la maison des associations. Le rez-de-chaussée du moulin est occupé par la médiathèque et le sol extérieur du côté ouest est abaissé pour ouvrir de larges baies sur la prairie. Au sud, une extension qui enserre le petit jardin, complète les besoins du programme. La troisième étape de transformation du site concerne l’aménagement d’une halle couverte qui prend place dans un corps de bâti et se pare d’une toiture plate et végétalisée.
© Benoît Alazard
© Benoît Alazard
Conservatoire de musique au Pradet
Situé au Pradet, le projet concerne la construction d’une des antennes du Conservatoire de musique et de danse de Toulon Provence Méditerranée.
Boris Bouchet Architectes en collaboration avec Studio 1984 architectes ont réalisé un projet qui dynamise l’espace public piéton dans son ensemble, tout en mettant en relation les nouveaux équipements publics avec la place centrale Paul Flamencq.
Un travail complexe, car installer un équipement qui pourrait, vu son programme, apporter de la nuisance, n’est pas une mince affaire. Les architectes ont accompli, malgré toutes les réticences, un travail empreint d’une grande délicatesse. En effet, ils ont engendré une bâtisse qui se caractérise par ses jeux de formes et de volumes. Et ce en abaissant les corps bâtis sur les limites sud et ouest et en décalant le volume principal du conservatoire construit sur 3 niveaux vers l’intérieur, de sorte que les entités d’échelle intermédiaire dégagent un petit patio méditerranéen destiné au personnel. De même, les gradins sont ouverts sur la cour et ménagent un parcours vers un belvédère d’où l’on peut admirer le panorama. Notons que le conservatoire est construit en pierres d’Estaillade, exploitées dans les carrières d’Oppède à quelques dizaines de kilomètres du Pradet. Un joli clin d’œil à l’Église Saint-Raymond Nonnat, construite elle-même au XIXe siècle en pierres provenant des mêmes carrières. Dans leur démarche, les architectes se sont appuyés sur le référentiel Bâtiment Durable Méditerranéen. Ainsi, le projet a poussé très loin le calcul thermique dans le but de conserver certaines façades en pierres massives sans doublage intérieur. Les masses végétales existantes, et un système de brises soleil orientables commandés en temps réel par une station météo, complètent le fonctionnement bioclimatique de l’équipement. Outre son esthétisme engageant, la réalisation semble être un bon condensé de procédés.
© Boris Bouchet architectes
Soixante-cinq logements à Cornebarrieu
Le projet est situé dans la ZAC Monges dont le concept, qui se repose sur l’idée de Ville-Nature, offre à ses habitants de vivre en ville comme s’ils étaient à la campagne. Le projet élaboré avec le plus grand soin, cherche à faire le lien entre la forêt existante et le parc situé en contrebas, à travers un agencement de plan en damier qui permet l’alternance d’un carré bâti pour un carré planté en pleine terre. Dans ce projet d’une extrême discrétion, l’architecte utilise des volumes maçonnés : béton sablé sur les socles, enduit naturel et briques de terre crue en façades. L’ensemble est une référence aux fermes locales dans un registre de couleur assez uniforme, blanc et beige. De ce fait, les quatre petits immeubles collectifs qui forment l’ensemble, se hissent sur des RDC construits en béton sablé recouvert d’une eau forte de terre colorée. Les charpentes sont en bois. Tandis que les vingt-six maisons individuelles en bande qui complètent le programme, sont construites en briques de terre crue et briques de terre cuite, appuyées sur un socle en béton sablé. Les planchers intermédiaires et la charpente sont en bois. C’est un projet qui croise avec tact plusieurs textures et matières pour un résultat enchanteur.
© Benoît Alazard
© Benoît Alazard
Gîte à Saint-Victor-sur-Arlanc
C’est sur un site exceptionnel, au bord du plateau de Craponne-sur-Arzon en direction du grand paysage de la vallée de la Dore, que se trouve Saint-Victor-sur-Arlanc, une commune qui abrite le presbytère réhabilité et métamorphosé en gîte touristique par Boris Bouchet. Rappelons que le toit et les menuiseries extérieures avaient été rénovés au préalable. Le projet consistait donc à la reconfiguration des volumes intérieurs ainsi qu’à l’agrandissement de trois baies en façade. Les nouvelles ouvertures, plus généreuses, affirment le caractère public du lieu tout en offrant des vues dégagées sur les environs. C’est un véritable travail d’orfèvre où les cadres en béton coloré actent la contemporanéité de l’intervention, en dialoguant avec les pierres de jambage et de linteaux du bâtiment historique. Il en dégage un jeu subtil qui croise le nouveau et l’existant pour le plus grand bonheur des usagers. Côté programmation, tandis que le rez-de-chaussée est occupé par une grande pièce commune, l’étage et les combles ont été complétement repensés pour aménager trois chambres. Pour optimiser l’espace tout en offrant le plus grand confort, l’architecte a dessiné sur mesure tout le mobilier, comme les lits et les tables escamotables. Le recours au bois local et au menuisier du village voisin était une évidence. Il s’agit d’une réalisation subtile qui, non seulement, rend hommage à l’histoire, mais dote le site d’une nouvelle écriture architecturale en phase avec le reste.
Souvent sollicité pour devenir membre de jury, Boris Bouchet a reçu plusieurs distinctions. Les réalisations de l’agence témoignent d’une grande sensibilité. L’architecte diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand, a publié avec Frédéric Bonnet et les AJAP14 l’ouvrage « Nouvelles Richesses », et participe sans cesse à des colloques et des expositions. Une ascension graduelle qui témoigne d’une grande persévérance !